Chant V
Troisième couplet
Le dîner s’éternisa un peu… trop au goût de Dominique qui, en fait, tombait de sommeil ! Elisabeth, elle, d’abord très réservée au début, se mit à espérer que cette soirée augurait un renouveau dans sa relation avec son mari. Au fond d’elle, comme un lancinant remord, déjà, se déroulait les scènes de ces moments vécus avec André, ses touchers amoureux et cachés que tous deux pratiquaient, depuis maintenant quelques… Oh, mon Dieu, pensa-t-elle, déjà si longtemps ! Et si elle s’était trompée sur Dominique et Françoise… Et s’il n’y avait vraiment que de l’amitié, entre eux… Mais son esprit tentait d’oblitérer sa propre conduite. Mais son esprit, subconsciemment, lui murmurait que non, que ce n’était pas possible, qu’ils avaient sûrement une liaison coupable… Mais, inconsciemment, ce même esprit lui soufflait à l’oreille que, même si cela était le cas, elle pouvait reconquérir Dominique, qu’elle ne craignait pas la différence avec cette « autre femme ». D’ailleurs, peut-être était-ce vrai, que Dominique l’aimait toujours, elle… Il lui avait dit de façon si sincère, tout à l’heure, avant qu’il ne l’embrasse dans le cou. Et si elle pouvait tout effacer et revenir en arrière… Mais le temps n’est pas quelque chose que l’on puisse remonter comme cela, d’un coup de baguette magique !
« Tu as l’air « ailleurs », Chérie – intervint Dominique.
- Oh, non… Je pensais…
- Tu pensais à quoi ?
- A toi et moi, assis là, dînant « comme au bon vieux temps » !
- Pourquoi le temps aurait-il été bon, auparavant, et ne le serait plus maintenant ?
- Comme ça… Je ne sais pas pourquoi…
- Mais si, dis-moi tout ce que tu as sur le cœur. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?
- Ecoutes, Chéri, ce n’est pas le moment d’aborder ce type de discussions. Finissons cette soirée comme elle a commencé, et puis nous…
- Comme elle a commencé ici, ou à la maison, avant de partir ?
- Chut ! Tais-toi donc Chéri ! Pourquoi m’as-tu embrassée dans le cou, tout à l’heure ?
- Parce que j’en avais très envie, comme d’habitude…
- Tu en as souvent envie, « d’habitude » ?
- Ben, oui, et tu sais fort bien que j’ai toujours eu ces envies-là, te prendre dans mes bras, te câliner, t’embrasser, te…
- Me faire l’amour ?
- Oui, bien entendu, même si le temps passant a un peu sapé en nous ce besoin charnel…
- Que nous avions, il y a quelques années…
La discussion commençait à ennuyer profondément Dominique, à ce moment-là. Il détestait parler avec Elisabeth de cette distance qui s’était matérialisée entre eux sur le plan sexuel. Il savait, comme tout un chacun, que les ébats amoureux ne duraient qu’un temps. Trois ou quatre années, disait-on… Les tenants de cette théorie, prétendaient que c’était là un héritage atavique de nos ancêtres lointains. L’Homme avait « envie » de la Femme, tant qu’elle était en mesure de lui donner une descendance, et les trois ou quatre années pendant lesquelles elle les élevait et les allaitait !…
« Si nous rentrions, maintenant – fit Elisabeth, reléguant les réflexions de Dominique sur ces ancêtres des Cavernes au diable vauvert.
- Si tu veux, Chérie, si tu veux… Voudrais-tu autre chose ? Un café ? Une tisane ?
- Non, merci. J’ai très bien mangé ainsi. Je voudrais…
- … ?...
- Toi !
- Moi ? C’est-à-dire ?
- Rentrons et fais-moi l’amour !
- Ah !? L’amour…
- Oui, fais-moi l’amour… »
Rentrés chez eux, Dominique ne mit pas plus de quelques minutes à s’endormir… Elisabeth, déçue, déconvenue, ulcérée, se tourna de son côté et le cours de ses pensées quotidiennes revint, aussi pernicieux qu’avant cette soirée. Donc, si Dominique ne voulait plus d’elle, c’était bien là le signe de ce désamour qu’il y avait entre elle et lui ! Comment pourrait-il la désirer, s’il en désirait une autre ? Après tout, cette soirée était « du cinéma », de la poudre aux yeux destinée à lui faire croire qu’il l’aimait toujours, qu’il était innocent des doutes qu’Elisabeth nourrissait à son endroit. A... QUI avait-il pensé en s'endormant ?
à suivre...
P.F.J.